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Sauvez Kermit!

Dès que la température nocturne atteint 7°C et que le temps est humide, la saison de reproduction des amphibiens démarre et nous pouvons assister à de spectaculaires migrations vers les sites de reproduction. Parfois plus de 4 km! Malheureusement, elles s’accompagnent souvent de toutes aussi spectaculaires hécatombes: sur les routes, tout véhicule roulant à plus de 30 km/h aspirera littéralement les amphibiens présents sur la chaussée, qui s’écraseront contre le soubassement du véhicule… sans compter ceux qui termineront écrabouillés sous les roues!

Parmi nos lecteurs se trouvent certainement de ces vaillants super-héros qui n’hésitent pas à braver le froid, de nuit, munis d’un seau et d’une lampe frontale, afin de ramasser les petits imprudents au bord de la route et de les faire traverser en toute sécurité. Mais dans votre jardin aussi, vous pouvez leur donner un coup de pouce. Après quelques informations d’ordre biologique, nous vous donnons une série de conseils pour les accueillir au mieux chez vous et contribuer ainsi à leur protection.

Nos espèces les plus courantes

Les amphibiens (aussi nommés batraciens) se répartissent en deux groupes: les anoures (les trapus à longues pattes postérieures) et les urodèles (à silhouette de lézard). Ecartons tout de suite les malentendus: le crapaud n’est pas le monsieur de la grenouille, et le triton n’est pas l’amoureux de la salamandre! Il s’agit bien de groupes d’amphibiens différents. Nous vous présentons les trois espèces les plus courantes, qui se rencontrent même dans certains jardins bruxellois.

  • Le crapaud commun: corps trapu gris-jaune à brun, peau pustuleuse, œil orange à pupille horizontale, grosse glande allongée derrière chaque œil. Jusqu’à 11 cm ou plus (mâles plus petits que les femelles). Il se rencontre dans les milieux frais et boisés et pond dans les grands plans d’eau.
  • La grenouille rousse: couleur très variable (de jaune à brun-noir) avec des taches, pattes arrières rayées de sombre, deux lignes bien marquées sur le dos, œil doré à pupille horizontale, grande tache sombre derrière l’œil, museau arrondi. Jusqu’à 7 cm en plaine (mâles plus petits que les femelles). Elle se rencontre dans tous les types d’habitats humides, jusqu’en montagne, et pond dans les mares de faible profondeur.
  • Le triton alpestre: peau brune, verdâtre ou gris-bleu avec des taches plus ou moins visibles, ventre orange caractéristique. En période de reproduction, les mâles sont franchement bleus avec une petite crête et des motifs noirs sur fond clair le long des flancs, sur les pattes et sur la crête. Jusqu’à 11 cm (mâles plus petits que les femelles). Il pond dans les points d’eau peu profonds.
  • Et la salamandre? La seule espèce belge est strictement nocturne et forestière. Il s’agit de la salamandre tachetée, noire et jaune, qui vit près de ruisseaux à l’eau très pure (notamment en forêt de Soignes). Particularité: elle est ovovivipare, c’est-à-dire que les œufs se développent à l’intérieur du corps de la femelle. Lorsque celle-ci vient pondre dans l’eau, les larves émergent immédiatement des œufs.
Crapaud commun © Iric Wikimedia Commons
Crapaud commun © Iric Wikimedia Commons
Grenouille rousse © Simon Eugster Wikimedia Commons
Grenouille rousse © Simon Eugster Wikimedia Commons
Triton alpestre © Cardioceras Wikimedia Commons
Triton alpestre © Cardioceras Wikimedia Commons
Salamandre © Jens K. Muller Wikimedia Commons
Salamandre © Jens K. Muller Wikimedia Commons
Crapaud commun © Iric Wikimedia Commons
Grenouille rousse © Simon Eugster Wikimedia Commons
Triton alpestre © Cardioceras Wikimedia Commons
Salamandre © Jens K. Muller Wikimedia Commons

De l'eau, mais pas seulement!

Nous associons toujours les amphibiens à l’eau, et ils n’ont pas été baptisés ainsi par hasard: ils dépendent en effet du milieu aquatique pour se reproduire, puisqu’ils y pondent leurs œufs. Mais les amphibiens ne vivent généralement pas dans l’eau en dehors de la saison de reproduction! Il s’agit avant tout d’animaux terrestres qui apprécient l’humidité. En effet, leur peau nue supporte mal la sécheresse. C’est pourquoi ils sont surtout actifs la nuit et par temps pluvieux, ainsi que dans les zones ombragées.

Un jardin pour les amphibiens

C’est avant tout un jardin sans pesticides (herbicides, insecticides, etc.) car la peau perméable des amphibiens y est très sensible. C’est ensuite un jardin plein de petits invertébrés à se mettre sous la dent: insectes, araignées, limaces, vers, cloportes… Tiens, ça tombe bien, comme vous n’utilisez pas de pesticides, les amphibiens ont de quoi manger! Et en retour, ils vous aideront à contrôler les populations de nuisibles dans vos plates-bandes et votre potager.

Les amphibiens ont également besoin d’endroits où s’abriter de la sécheresse et des prédateurs. Tas de branches, de pierres et/ou de feuilles mortes, lierre, roncier, hautes herbes, arbustes touffus, plantes couvre-sol: tout coin ombragé (et donc relativement humide) fera l’affaire. Vous pouvez aussi installer un abri spécifique pour amphibiens.

Et l’eau dans tout ça? Si vous avez assez de place, une mare est toujours utile comme site de reproduction potentiel, et parfois aussi d’hibernation. Il faut savoir que les plans d’eau se font rares dans les campagnes, et certainement au milieu des pâtés de maison. Attention: partout en Belgique, il est interdit de déplacer des amphibiens (pontes, têtards et adultes). C’est donc aux animaux eux-mêmes de trouver le chemin de votre jardin. Cette règle n’est que du bon sens: difficile d’être certain que votre mare et votre jardin offrent à l’espèce concernée les conditions de vie requises! Par ailleurs, si votre plan d’eau abrite des poissons ou attire des oiseaux aquatiques, les œufs et larves d’amphibiens leur serviront surtout de repas…

Les dangers du jardin

Outre les chats, qui ont la fâcheuse habitude de chasser tout ce qui bouge, les amphibiens ont au jardin un autre ennemi qu’ils partagent avec beaucoup d’autres espèces animales: les TROUS. Entendez par là tout ce qui a des parois lisses et à peu près verticales: seau, bassin maçonné, avaloir, terrasse ou cour en contrebas, escalier extérieur qui mène à la cave, tuyau vertical, soupirail, piscine… Les amphibiens ne sont pas alpinistes, et s’ils se retrouvent dans un trou, ils sont incapables d’en sortir et sont voués à mourir de faim, d’épuisement ou de déshydratation. Ironie du sort, les trous étant souvent humides, ils attirent précisément Kermit et ses copains…

Déclarez donc la chasse aux trous! Voici quelques idées:

  • un abri à amphibiens (ou pot de fleur cassé, planche posée en oblique contre un mur…): installé sur une terrasse ou dans une cour en contrebas du jardin, voire au pied d’un escalier menant à une cave, il offre un abri temporaire aux amphibiens incapables de remonter l’escalier vers le jardin. Il vous suffit de regarder de temps en temps s’il n’y a pas un locataire. Vérifiez également les espaces entre vos pots de fleurs et autres recoins.
  • une échelle/rampe à amphibiens: indispensable si vous avez un bassin maçonné, avec des parois verticales. Elle offre une issue aux amphibiens, mais également à tout autre petit animal tombé dans le bassin: hérisson, rongeur, caneton,… Vous pouvez aussi l’installer sur les quelques marches qui séparent votre cour du jardin.
  • des bordures en plastique (conçues pour délimiter les plates-bandes): installées à des endroits stratégiques (p.ex. sur un muret de soutènement), elles bloquent le passage des amphibiens, à la manière des installations visibles le long des routes en période de migration.
  • un grillage à mailles très fines à poser sur les grilles des soupirails.
  • pour les piscines et bassins en dur, un biologiste américain a mis au point le Frog Log, une petite échelle de sauvetage: ça c’est de la conception mes amis!

La firme Vivara (partenaire de Natagora) propose des abris et des échelles à amphibiens: www.vivara.be.

Pas de rainette dans mon assiette!

Depuis les années 1950, on observe dans le monde entier un déclin important des populations d’amphibiens. Les causes en sont multiples: destruction des zones humides et des forêts, fragmentation des habitats (entraînant notamment une forte mortalité sur les routes), pollution chimique (pesticides et nitrates), irrégularités climatiques (gelées et sécheresses), maladies émergentes… La consommation humaine a également sa part de responsabilité: en Asie, en Europe et en Amérique du Nord, les cuisses de dizaines de millions de grenouilles sont mangées chaque année. Or, la plupart de ces animaux ne proviennent pas d’élevages mais sont prélevés dans la nature, en Asie principalement. Au vu de la demande, cela pourrait entraîner d’ici peu l’extinction des espèces concernées. Abstenez-vous donc de manger des cuisses de grenouille!

En guise de conclusion, pensez à consulter le site web de Natagora, où vous trouverez des infos sur les amphibiens ainsi que le programme des opérations de sauvetage prévues de février à avril à Bruxelles et en Wallonie. Et n’oubliez pas vos gilets réfléchissants!

Julie Bingen

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