Avoir l’air de…
Dimanche 14 janvier 2018. Ciel bleu en matinée. Grande première pour l’année 2018. Avec un tel ciel, beaucoup n’ont qu’une envie, chausser leurs bottines, enfiler leur laine et sortir respirer un bon coup afin de s’imprégner de cette sensation de grandeur et de douceur qui nous manque tant lors des longues journées de ciels gris et bas.
Et c’est la grisaille de cet hiver et cette impression de manque d’air et d’écrasement qui me pousse vers ce sujet qui, je vous l’accorde, peut sembler rébarbatif… la pollution de l’air à Bruxelles. Certes invisible, c’est pourtant un sujet incontournable et primordial.
Mais cet air que nous respirons, quel est-il? Sujet épineux et médiatique… Quelles en seront les perspectives de 2018, peut-on en tant que citoyen espérer simplement une amélioration de notre air, de cette chose si vitale?
Incolore, invisible et inodore
En 2017 une expo intitulée The Power of The Avant-Garde s'est tenue au Bozar de Bruxelles , une des premières œuvres présentées était… un ventilateur en mouvement dans une pièce de l’artiste Olafur Eliasson. De cette œuvre, l’artiste évoquait "(…) Mon travail intitulé Ventilateur danse autour de la pièce et, par son mouvement, il définit l’espace. Il évoque l’air que nous tenons pour acquis, le sentiment d’un espace et, comme Femme marchant (autre œuvre présentée ndlr), Ventilateur rend l’espace tangible, il transforme l’espace négatif en un espace positif."
C’est évidemment tout l’enjeu d’une problématique avec un principal sujet invisible! Parler de l’air que nous respirons c’est aussi parler du réchauffement climatique, de la santé publique, de la mobilité (et de l’aménagement publique), de l’impact sur la faune et la flore… Un sujet en relation avec beaucoup d’autres et qui devrait nous pousser à aborder notre société avec une vision d’ensemble plutôt que de manière parcellaire… Chiche!??
Au fait, on fait comment pour polluer l’air?
Facile vous diront certains! Il suffit que quelqu’un respire ou qu’une vache pète… Ce n’est pas tout à fait faux… On peut effectivement polluer l’air de 1001 manières différentes, mais notre sujet se concentre ici sur la pollution de l’air à Bruxelles, et la première source est le transport routier: voitures et camions.
La pollution par les voitures, camions, et en moindre mesure les motos, est double. D’une part, l’émission de CO2 (dioxyde de carbone) cause la dégradation et la destruction de la couche d’ozone, ce qui entraîne le passage plus facile des rayons du soleil sur la terre et son réchauffement. D’autre part, les voitures émettent des gaz et des particules fines directement dangereuses pour notre santé… et aussi pour celle de notre faune et flore.
Il a été récemment prouvé par des chercheurs de la VUB-UZ Brussel que les particules fines et le dioxyde d’azote avait un impact direct et quasi immédiat sur l’infarctus.
Les jolis pots d’échappements des belles ou moins belles voitures de nos rues émettent du CO (monoxyde de carbone) mauvais pour le cœur et les infarctus, des NOx (oxydes d’azote) provoquant des irritations, des œdèmes ou des nuisances pour les poumons, et il y a évidemment les particules fines (chargées de sels, de métaux lourds ou autres) que nous respirons et qui viennent se loger dans les endroits les plus précieux et vitaux de nos corps.
Au fait maintenant qu’on sait comment polluer, vous pouvez aussi connaître au jour le jour le calcul de la pollution de l’air sur le site de Bruxelles Environnement ou sur le European Air Quality Index.
Humains et animaux, même traitement
Pour les amoureux et passionnés de nature, une question essentielle mais assez tardive nous vient à l’esprit. Et les animaux, comment réagissent-ils?
Même en tant que métropole, Bruxelles compte une biodiversité non négligeable, citons une multitude d’oiseaux (mésanges, canards, bernaches, accenteur, merles, pigeons, corvidés), quelques mammifères (renards, chauves-souris), batraciens (crapaud commun, grenouille rousse, tritons), quelques reptiles, des plantes, des arbres,…
Il semble qu’assez peu d’études scientifiques ont été faites sur le sujet…
La pollution atmosphérique touche, comme nous finalement, les animaux: problèmes respiratoires, cardiaques, espérance de vie amoindrie,… Il est également évident que la pollution de l’air change les habitats, des sols et de l’eau plus acides (on pense aux poissons et batraciens entre autres), la qualité de la nourriture.
Crocodile au repos vs air de qualité?
Fermez les yeux (après avoir lu la phrase jusqu’au bout), vous êtes dans les Alpes, vous entendez le bruit de la nature, c’est-à-dire parfois rien, dans ce milieu d’altitude avec peu de végétation quand le vent se calme, vous n’entendez littéralement rien ou presque, et là vous respirez… et c’est agréable, l’air sent bon! C’est comme le goût d’une eau de source… c’est d’un délice infini. Imaginez un instant.
Aux antipodes, l’air de Bruxelles devient irrespirable et pourtant nous n’avons comme pas le choix. Parfois quand ça sent vraiment mauvais, je m’imagine être un crocodile au repos et n’avoir besoin que de très peu d’oxygène afin d’alimenter uniquement les fonctions vitales et de ne donc pas en absorber de trop…
Que faut-il faire? S’imaginer être un crocodile au repos à chaque coin de rue ou exiger un air simplement respirable?
Une problématique multi-facettes
C’est peut-être ça le problème que nos politiques ont bien du mal à résoudre. C’est que s’attaquer au problème de la qualité de l’air au sein d’une métropole, c’est s’attaquer au problème de mobilité, de transport public, d’aménagement du territoire, des commerces, des navetteurs… Bref un problème multi-facettes qui pourrait devenir un projet complet et visionnaire pour une politique qui devrait l’être aussi… Dur dur apparemment!
Améliorer la mobilité = améliorer la qualité de l’air?
Le principal responsable de la dégradation de l’air est le transport routier comme exprimé précédemment. Il est clair qu’améliorer la mobilité à Bruxelles est un des grands défis. Le Plan Iris 2 en cours qui voudrait "garantir la qualité de vie à Bruxelles, permettre à chacun de se déplacer dans une infrastructure efficace et de qualité, améliorer la complémentarité entre moyens de transport, mettre en place une politique de stationnement... sont quelques priorités parmi d'autres reprises dans le Plan Iris 2, le plan des déplacements de la Région bruxelloise." ne semble pas bien loin dans sa réalisation… On pense néanmoins au Plan Mobil2040 qui semble innovateur et "envisage la mobilité comme un levier de changement"… Espérons.
La polémique du contournement de Wavre est un bel exemple. Au-delà de ce sujet précis c’est bien la pertinence d’une majorité d’actions politiques qui est à remettre sérieusement en doute, non pas dans un esprit de conservatisme, de contradiction, ou de "râlage" continuel mais bien parce que l’intérêt du citoyen à long terme n’est plus respecté!
Comment peut-on prétendre construire toujours plus de routes dans un pays déjà fortement urbanisé où l’espace naturel devient peau de chagrin? Il serait plus pertinent de rendre l’espace construit plus efficient et c’est ça qui a, entre autres, été souligné dans la contestation. Au lieu de faire une route en plus et si on faisait des pistes cyclables (à Bruxelles et en Belgique, le nombre de cyclistes augmentent chaque année), si on améliorait les transports en commun? D’un autre côté, on constate que faire une ligne RER est presque de l’ordre de l’impossible en Belgique, le jour où le RER roulera il n’y aura plus rien d’innovant dans ce moyen de transport et déjà la société aura changé et tendra vers une nouvelle mobilité, on imagine aussi le désinvestissement dans les institutions publiques comme la STIB ou la SNCB, comment relever le défi de la mobilité avec des trains régulièrement en retard?
Mobilité feat Ecosystème
On pourrait repenser notre système de mobilité comme un écosystème harmonieux, certes avec des bouleversements et des changements en permanence mais où chaque entité aurait sa place, sa fonction et où tout roulerait comme un engrenage d’horloge…
C’est l’idée de comodalité des transports. Le concept est celui d’intégrer tous les systèmes de locomotion dans une stratégie et une approche plus large, la voiture n’en serait pas totalement exclue mais ne serait pas prioritaire et majoritaire dans ce système, comme c’est le cas actuellement.
Et si on avait des rues moins chargées de voitures pour moins de bruit, pour un air plus respirable et pour plus de sécurité dans les rues (notamment pour les enfants, près des écoles), si nos modes de transports s’adaptaient aussi aux saisons (marche, vélos, mobylettes à la belle saison), et si nos politiques décidaient de mettre plutôt de l’argent dans des incitations financières dans l’utilisation de transports plus écologiques que dans des routes, autoroutes plus longues, plus larges (on pense au cas de la Norvège), et si les transports publics devenaient nettement moins chers?… Des propositions, des solutions il y en a, alors quel sera le courageux pour les prendre? Allez chiche au moins 1 pour 2018!
Des mouvements citoyens pour une amélioration de l’air se forment, comme le BRAL.
Elisa Ruwet (janvier 2018)