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Favoriser la nature en ville: d’ambitieuses nouveautés législatives en vue?

Ces derniers mois, la communauté internationale et l’Union européenne se sont engagées dans des processus ambitieux pour la protection de la biodiversité. Des changements assez radicaux pourraient bien influencer l’avenir de la nature en ville, y compris à Bruxelles. Dans l’attente des résultats des négociations en cours et, surtout, de leur mise en œuvre, voici un petit résumé de ce qui se prépare dans les coulisses feutrées du pouvoir…

L'accord de Kunming-Montréal

Après deux ans de préparation, l’accord historique de Kunming-Montréal a été approuvé en décembre 2022 lors de la 15ème Conférence des parties (COP-15) de la Convention sur la diversité biologique.

Dans cet accord mondial, les parties s’engagent à arrêter et inverser le déclin de la biodiversité d’ici 2030. Pour y arriver, l'accord prévoit la protection d'au moins 30% des terres et 30% des mers et océans sur la planète. Il prévoit aussi la restauration de 30% des écosystèmes dégradés.

Ces objectifs sont beaucoup plus ambitieux que ceux pris précédemment et méritent d’être applaudis. Cependant, il ne faut pas oublier qu’il reste 70% des territoires terrestres et marins pour lesquels il n’y a pas eu d’engagements chiffrés en matière de biodiversité.

À côté de ces mesures phare, d’autres engagements ont été pris pour réduire les risques liés aux pesticides, limiter l’introduction d'espèces exotiques envahissantes, prévenir la surexploitation des ressources naturelles, restaurer la santé des sols, etc. Une des cibles est également d’accroitre significativement les espaces "bleus" et "verts" dans les milieux urbains.

La COP-15 Biodiversité est un "bon cru" dans la longue série d’accords internationaux. Évidemment, entre engagements politiques et réalisations sur le terrain, il reste un long chemin à parcourir, parsemé d'embûches…

Il faut d'ailleurs garder en tête qu’un mois plus tôt, la conférence de Sharm el-Sheikh sur le climat (COP-27) n’a pas réussi à s’entendre sur des actions ambitieuses en matière de réduction des gaz à effet de serre. En dépit des progrès sur la biodiversité, l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C s’éloigne et laisse présager des conséquences sans précédent pour la nature et pour l’homme.

La stratégie européenne en faveur de la biodiversité

L’Union européenne – qui a œuvré activement pour la réussite de ces négociations – n’a pas attendu la concrétisation de l’accord de Kumming-Montréal pour annoncer ses propres engagements, et ceci dès 2020.

La stratégie européenne en faveur de la biodiversité vise à mettre la biodiversité sur la voie de la restauration d’ici 2030 et à préserver au moins 30% des terres et des mers de l’UE en établissant des zones protégées gérées efficacement. L’objectif est de s’appuyer sur le réseau Natura 2000, en le complétant par des zones protégées au niveau national. La stratégie vise ainsi à établir un réseau écologique transeuropéen. Un tiers des zones protégées devront l’être de manière stricte. Toutes les forêts primaires et les forêts anciennes recensées au niveau européen seront visées par ce statut.  

La stratégie ambitionne de stopper la détérioration et/ou le déclin des habitats et des espèces protégées d’ici 2030. Pour aller plus loin, elle vise aussi la restauration des écosystèmes et espèces dont l’état de conservation est médiocre. Pour ce faire, elle annonce un vaste plan de restauration de la nature, avec des objectifs contraignants. Celui-ci va se concrétiser sous la forme de la loi européenne sur la restauration de la nature (voir ci-après).

La nouvelle stratégie définit enfin de nouveaux mécanismes de gouvernance et affecte une enveloppe de 20 milliards d’euros par an à la protection de la biodiversité via des fonds européens, nationaux et privés.

La loi européenne sur la restauration de la nature

En juin 2022, la Commission européenne a présenté sa proposition de Loi sur la restauration de la nature.

Annoncée dans la stratégie européenne sur la biodiversité, cette proposition contient des initiatives assez inédites pour rétablir la biodiversité de manière durable en restaurant toute une série d’écosystèmes: zones humides, cours d’eau, forêts, milieux agricoles, écosystèmes côtiers et marins et zones urbaines.

Un des éléments forts du texte concerne l’objectif global de restaurer au moins 20% des zones terrestres et marines d’ici à 2030 dans l’UE.

Et cet objectif est renforcé d’ici à 2050: il faudra avoir mis en place des mesures de restauration dans tous les écosystèmes qui le nécessitent. Pour ce faire, les États membres devront élaborer des plans nationaux de restauration et mesurer les progrès accomplis.

C’est la première fois qu’une législation européenne comporte un objectif contraignant pour les milieux urbains. Celui-ci vise les grandes agglomérations, les villes plus petites et les banlieues.

Le texte prévoit les éléments suivants:

  • il ne pourra y avoir aucune perte nette d’espaces verts urbains ni de la couverture arborée d’ici à 2030;
  • il faudra même atteindre une augmentation des espaces verts urbains de 3% d’ici à 2040 et de 5% d’ici à 2050;
  • il faudra assurer un minimum de 10% de couverture arborée d’ici 2050, et un gain net d’espaces verts intégrés aux bâtiments et aux infrastructures.

Ces éléments permettent de compléter la stratégie européenne, en développant la nature au-delà des zones protégées.

Une fois adoptée, cette loi sur la restauration de la nature sera un acte réglementaire contraignant. Les gouvernements seront tenus responsables des progrès réalisés et des contrôles seront effectués pour s’assurer qu’ils respectent leurs obligations.

En ce début 2023, une longue procédure législative doit encore être suivie avant l’adoption définitive. La proposition de la Commission est en cours d’examen par le Parlement européen et par le Conseil de l’Union européenne. Les deux instances devront s'accorder sur son contenu et sur des amendements éventuels avant qu’elle ne puisse être adoptée. Au cours des six prochains mois, la Présidence suédoise du Conseil devra orienter les négociations de manière constructive en vue d'atteindre un accord final attendu en juin 2023, si tout va bien.

Quels enjeux pour Bruxelles?

Les trois processus présentés ont des objectifs à l’échéance 2030, autant dire… demain. Il ne reste que 7 petites années pour mettre en œuvre leurs ambitions. Celles-ci sont plutôt convergentes, heureusement.

Dans le cadre de la stratégie européenne, les États membres sont tenus de soumettre, début 2023, leurs engagements nationaux ("national pledges"). Ceux-ci doivent inclure

  • un engagement préliminaire pour la désignation de nouvelles zones protégées;
  • une liste préliminaire des espèces et des habitats pour lesquels les État membres visent une amélioration du statut de conservation;
  • les mesures à mettre en place pour assurer les tendances positives et éviter la détérioration des espèces et habitats qui ne sont pas sur la liste préliminaire.

La Région bruxelloise travaille de concert avec les deux autres régions du pays pour préparer ces engagements. Bruxelles Environnement réfléchit à l’identification de nouvelles zones protégées sur le territoire régional et prépare des propositions de mesures de gestion de pour améliorer le statut de conservation des espèces et habitats.   

Aucne action n'a encore été prise dans le cadre de la loi sur la restauration de la nature. Il est à ce stade encore trop tôt pour connaître l’issue du processus législatif. Ce qui est toutefois certain, c’est que si les objectifs chiffrés sont adoptés, ils influenceront sensiblement la planification du territoire, puisqu’il faudra cesser l’imperméabilisation des sols au profit d’une augmentation des espaces verts.

Le timing de ces deux processus européens est particulièrement opportun, car il coïncide avec celui du processus d’actualisation du Plan Régional d’Affectation du Sol (PRAS) de la Région bruxelloise qui a débuté en 2022. Le PRAS détermine l’affectation générale des différentes zones du territoire régional. Parmi ces différentes zones, les zones d’espaces verts et les zones agricoles jouent un rôle essentiel pour la nature et la biodiversité.

Rendez-vous dans un prochain article, où nous vous détaillerons les résultats des négociations et les avancées en matière de zones protégées et zones d’espaces verts sur le territoire bruxellois!

 

Natagora Bruxelles (janvier 2023)

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