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Pour la reconnaissance et la sanction de l’écocide

Dans le monde entier, sans discontinuer, la nature subit des actes de violence et de destruction dont les responsables sont rarement désignés et encore moins inquiétés. Dans ce contexte, la reconnaissance du crime d'écocide serait un pas de plus vers une meilleure protection juridique de la nature et la fin de l'impunité en matière de criminalité environnementale. En Belgique, au travers de la nouvelle réforme du Code pénal, l'opportunité se présente de pouvoir concrétiser cette reconnaissance de manière ambitieuse.

L'écocide, qu'est-ce que c'est?

Le terme "écocide" (dérivé du grec et du latin: "oikos", maison, et "occidere", tuer) est apparu en 1970 et a été proposé par le biologiste américain A. W. Galston pour qualifier les opérations d’épandage de la substance toxique appelée "Agent Orange" menées par l’armée américaine afin de détruire la forêt tropicale lors de la guerre contre le Vietnam. De manière générale, l'écocide peut être défini comme une "grave atteinte portée à l'environnement, entraînant des dommages majeurs à un ou plusieurs écosystèmes, et pouvant aboutir à leur destruction".  

La marche pour la reconnaissance de l'écocide

Le 21 mai 2023, à la veille de la Journée internationale pour la biodiversité, plusieurs membres et bénévoles de Natagora étaient présents Place Poelart, aux côtés de nombreuses autres associations et collectifs tels que Greenpeace, Grands-parents pour le climat, Youth for Climate, Rise for Climate, Canopéa, Fondation européenne pour le droit du vivant, Extinction Rébellion, ou encore Stop Ecocide, afin de porter un important message: l’impunité des crimes commis contre l’environnement n’est plus concevable.

Au total, quelque  300 défenseurs de l’environnement, membres de mouvements citoyens activistes et autres, s’étaient rassemblés ce 21 mai, en faveur de l’intégration du crime d’écocide (au sens large) dans la loi belge mais également dans le droit européen.

Le rendez-vous avait été donné en face du Palais de Justice et, dans une ambiance calme et bienveillante, nous avons marché jusqu’au Mont des Arts pour revenir à notre point de départ,  en passant par la place du Grand Sablon. Nos pas furent accompagnés par les orchestres de "Baque de Chuva" ainsi que des musiciens du collectif "Extinction Rébellion".

Plusieurs discours ont ponctué le début ainsi que la clôture de la manifestation, dont celui d’Adélaïde Charlier (conseillère spéciale de M. Timmermans, vice-président de la Commission européenne, sur le Green Deal), qui nous rappelait à nos devoirs d’engagement en tant que membres de la société civile et insistait sur la responsabilité qui nous incombe de refuser la destruction en cours de la planète et de nous mobiliser afin de pousser nos communautés, ainsi que la société en général, à sortir de leurs structures actuelles pour en créer de nouvelles.

Une autre intervention marquante fut celle d’Aline Dalvi (de l’association Espirito Mundo), qui témoigna de la situation vécue au Brésil par les tribus autochtones, persécutées par les industriels, les grandes entreprises et les investisseurs venus accaparer leurs terres et toutes ses richesses en détruisant littéralement tout sur leur passage.

L’événement fut par ailleurs médiatisé (BX1, RTBF, RTL INFO) et de nombreux participants furent interviewés.

Photos de la manifestation prises par Ph. Nothomb pour Stop Ecocide Belgium

Des progrès à faire au niveau du Code pénal belge...

Dans le contexte actuel d’urgence climatique et d’effondrement de la biodiversité, il est temps que le législateur encadre la question de la criminalité environnementale et se dote d’un dispositif de protection effectif, composé d’outils développés, variés et efficaces. La criminalisation de l’écocide, dans son acception large, représenterait une véritable avancée en matière de préservation de l’environnement et de répression des atteintes qui y sont portées. Ces dernières, en étant pénalement sanctionnables exposeraient leurs auteurs à des poursuites et à des condamnations, non seulement à des sanctions financières mais également à des peines d’emprisonnement.

En instaurant cette nouvelle base juridique, il s’agit de créer un nouveau mécanisme de protection de l’environnement aux côtés, par exemple, du recours aux droits fondamentaux (droit à la vie, droit à un environnement sain et de qualité...), au principe de précaution etc., et ainsi, de multiplier les incitants à modifier les comportements, afin de tenter d’enrayer un système entrainant des dégradations toujours plus graves et rémanentes de notre milieu.

Il devient urgent de remédier au manque criant de moyens pour contrôler et empêcher les activités néfastes et dommageables des grandes entreprises sur l’environnement, qui dans un contexte de crise environnementale, persévèrent pourtant et poursuivent obstinément leur développement vers toujours plus de profit, dans un mépris total de la sauvegarde de nos écosystèmes et de leurs équilibres.

La réflexion doit nécessairement s’inscrire dans une démarche de répression mais aussi et surtout de prévention. En effet, en matière environnementale le dommage présente presque invariablement un caractère irréversible. Ainsi, la réparation du dommage ne peut être qu’indirecte ou partielle et les mesures compensatoires ou restauratrices ont une portée limitée.

En droit interne, le Parlement fédéral belge a adopté une résolution introduisant le crime d'écocide dans le Code pénal. Mais la définition envisagée actuellement est très restrictive. Il est notamment requis que l’acte soit intentionnel. En outre, les conditions limitatives auxquelles le dommage doit répondre verrouillent le texte. Autrement dit, l’article ne pourra être invoqué que dans un nombre de cas restreint. Or, la notion d’écocide doit être comprise dans un sens le plus large possible afin de couvrir un maximum de comportements et de situations répréhensibles. C’est pourquoi le mouvement "Stop Ecocide" milite pour une reconnaissance ambitieuse qui inclut les atteintes à l’environnement dérivant d’actes délibérés mais aussi celles consécutives à des négligences.

Pour rappel, la définition établie par le groupe d’experts indépendants mandatés par l’ONG "Stop Ecocide international" est la suivante: "Actes illicites ou arbitraires commis en connaissance de la réelle probabilité que ces actes causent à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables".

... mais également au niveau européen et international

Au niveau européen, les Eurodéputés se sont montrés favorables à l'introduction de la notion d’écocide dans la Directive relative à la criminalité environnementale, en la définissant de manière large. Il convient de militer pour que le Conseil européen confirme cette introduction.

Enfin, sur le plan international, seuls les crimes environnementaux commis en temps de guerre sont susceptibles de poursuites devant la Cour pénale internationale (CPI) (article 8 §2 alinéa b iv) du Statut de Rome).

À cet égard, différents mouvements, tels que Stop Ecocide et End Ecocide on Earth militent pour faire avancer le droit pénal international dans le domaine de l’environnement notamment via un projet d’amendement du Statut de Rome. Ce dernier vise à ce que le crime d’écocide y soit inclus de manière autonome, aux côtés du crime de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et du crime d’agression.

Dans un contexte alarmant de dégradation de l’environnement, il ne paraît plus nécessaire de démontrer l’intérêt de pénaliser les crimes contre l’environnement dans leur ensemble, qu’ils soient perpétrés aussi bien en temps de paix que dans le cadre d’une guerre.

À noter que, récemment, le sujet a à nouveau fait l’actualité suite à la destruction du barrage Kakhovka en Ukraine.

Nous espérons que les décideurs belges, d’une part, et européens, d’autre part, se pencheront sur la question avec bon sens et sagesse, qu’ils prendront leurs responsabilités et feront surtout preuve d’exemplarité.

 

Floriane Coppens (juin 2023)

 

Pour aller plus loin:

Signez la pétition adressée au gouvernement belge pour inclure l'écocide dans le nouveau code pénal, avec la définition mentionnée dans la résolution adoptée par le parlement en décembre 2021: Actes illégaux ou résultant d’un défaut grave de prévoyance ou de précaution commis en connaissance de la réelle probabilité que ces actes causent à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables.

https://act.greenpeace.org/page/121232/petition/1?locale=fr-BE

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