Aller au contenu principal

Focus "superplante": les feuillages persistants

Très prisés des paysagistes et des jardiniers, les arbres et arbustes persistants sont rarement absents de nos parcs et jardins. En effet, ils permettent de structurer l’espace durant la mauvaise saison et de conserver un peu de verdure lorsque les feuillages caducs ont disparu. Ils sont de ce fait quasi indispensables dans l’aménagement des espaces verts. Le contraste avec les zones naturelles est saisissant: ici, la nudité hivernale est la norme. Et pour cause: la plupart des espèces persistantes présentes en Belgique sont originaires d’autres régions.

Un peu d’écologie pour commencer

La flore belge compte peu d’espèces ligneuses persistantes. Si la majorité de nos arbres perdent leurs feuilles en automne, c’est parce qu’il s’agit de la meilleure adaptation au climat local. La belle saison est assez longue pour que les arbres "fassent le plein" et puissent se permettre d’arrêter la photosynthèse l’autre partie de l’année. Être dénudé en hiver diminue le risque de bris de branches dû aux tempêtes et au poids de la neige. De plus, cela permet au sol de reconstituer ses réserves d’eau: en été, une grande partie de la pluie est en effet interceptée par les feuillages et s’évapore sans même toucher le sol. Par ailleurs, grâce à leur luminosité au printemps, les bois de feuillus accueillent une riche flore vernale (ficaire, anémone sylvie, primevère élevée, ail des ours, jacinthe des bois, perce-neige, violettes, muguet, nivéoles, corydales…).

Alors, pourquoi certaines plantes conservent-elles leur feuillage en hiver? Il s’agit avant tout d’une adaptation à la sécheresse: les feuilles coriaces (telles les aiguilles des conifères) transpirent moins. C’est pourquoi beaucoup d’espèces de climat méditerranéen sont persistantes. Mais il faut garder à l’esprit que l’enneigement est aussi une forme de sécheresse, puisque l’eau gelée n’est pas disponible pour les plantes. C’est pourquoi les conifères dominent dans les régions froides. De plus, dans les contrées où la belle saison est très brève (comme dans le grand Nord et en altitude), les arbres caducs ont à peine le temps de développer leurs feuilles à la fin du printemps qu’ils doivent déjà s’en séparer pour l’hiver. Quel gaspillage d’énergie! Dans ces conditions, il est plus intéressant de conserver son feuillage d’une année à l’autre (même si chaque feuille a une durée de vie limitée), ce qui permet de réaliser la photosynthèse toute l’année, même si c’est à bas régime. Cela compense la courte durée de l’été.

Précisons également que "feuillu" n’est pas égal à "caduc", tout comme "conifère" n’est pas égal à "persistant". Il existe en effet des espèces feuillues qui ne perdent pas leur feuillage en hiver, et des conifères qui se dépouillent de leurs aiguilles tous les automnes (comme les mélèzes).

Persistants et indigènes

Dans notre pays tempéré et humide, il est donc logique que les feuillages caducs soient majoritaires. Parmi les arbres et arbustes, la Belgique ne compte que 4 espèces indigènes persistantes:

  • L’if (Taxus baccata): un conifère particulier, dont les pieds femelles portent des fruits ressemblant à des baies. Il se taille très bien et pousse lentement, c’est pourquoi il est fort utilisé pour constituer des haies. Mais attention, il est extrêmement toxique!
  • Le genévrier (Juniperus communis): un petit conifère dont les "baies" (cônes ronds) aromatiques sont appréciées en condiment, notamment pour le genièvre, le gin, la choucroute et le fumage du jambon d’Ardenne. Assez rare en Belgique à l’état sauvage, il a besoin de lumière mais se contente d’un sol pauvre.
  • Le houx (Ilex aquifolium): un feuillu aux feuillage piquant et coriace, qui fait un magnifique abri pour la faune en toute saison. Les pieds femelles portent de belles baies rouges, toxiques pour les humains.
  • Le buis (Buxus sempervirens): un autre feuillu, assez rare à l’état sauvage (sauf dans la vallée de la Meuse) mais apprécié pour constituer des haies basses bien taillées et des topiaires. Il est malheureusement attaqué par la chenille de la pyrale du buis, un petit papillon nocturne asiatique introduit accidentellement en Europe, qui se révèle envahissant.

De plus, notre flore compte une plante grimpante ligneuse persistante: il s’agit du lierre grimpant (Hedera helix). Il se rencontre très fréquemment, pour le plus grand bonheur de la faune: outre son feuillage qui offre un bel abri en hiver, sa floraison automnale est une manne pour les insectes, tout comme sa fructification à la fin de l’hiver pour les oiseaux, lorsque toutes les autres baies ont disparu.

À côté de ces plantes-phares, la flore belge comporte aussi:

  • des arbres qui conservent leurs feuilles mortes en hiver lorsqu’ils sont taillés en haie (feuillage marcescent): hêtre, charme
  • des buissons semi-persistants: ronce, troène commun
  • des sous-arbrisseaux persistants: callune, bruyère quaternée, bruyère cendrée, daphné lauréole

Et tous les autres persistants, alors?

Des exotiques, comme nous vous le disions. Même des espèces aussi connues que les pins et l’épicéa doivent leur présence chez nous à l’activité humaine. Idem pour les rhododendrons et azalées, l’envahissant laurier-cerise, le troène à feuilles ovales (omniprésent dans les haies mitoyennes), les chalefs (Elaeagnus), les chèvrefeuilles arbustifs utilisés en haies basses (Lonicera nitida et pileata), l’aucuba, les autres bruyères…

Leur caractère exotique serait-il une raison pour les bannir d’un jardin nature admise? Certainement pas!

Tout est dans la mesure: ne plantez pas que des exotiques mais insérez-les entre vos belles indigènes, en particulier dans les zones visibles en hiver depuis vos fenêtres, près de l’entrée de votre logement (où vous passez tous les jours), pour créer des haies structurantes…

Une série d’arbustes et arbrisseaux méditerranéens persistants s’acclimatent bien à Bruxelles: viorne-tin, romarin, sauge et lavande officinales, immortelle d’Italie (plante-curry). Veillez à leur offrir un emplacement ensoleillé et un sol suffisamment drainé.

Du côté des herbacées

Parmi les fleurs vivaces indigènes (ou presque), plusieurs ont un feuillage un peu coriace qui persiste en hiver. La plus connue est la petite pervenche, dont les tiges rampantes couvrent le sol dans les coins difficiles du jardin (ombre sèche au pied des arbres et haies). D’autres sont l’hellébore fétide, l'hellébore verte, l’asaret, l’hépatique et l’iris gigot (aux graines rouges décoratives), toutes des plantes d’ombre.

En réalité, de nombreuses plantes sauvages couvre-sol gardent leurs feuilles en hiver et protègent ainsi la terre en toute saison: stellaire holostée, bugle rampante, lierre terrestre, fraisier sauvage, géranium sanguin, origan commun, germandrée petit-chêne, orpin réfléchi…

Parmi les exotiques plus ou moins persistantes, citons l’hellébore orientale (rose de Carême), la centranthe rouge ou valériane des jardins, certains géraniums vivaces (macrorrhizum, versicolor, renardii…), l’épiaire laineuse, les campanules rampantes, la grande pervenche, Waldsteinia ternata, de nombreux épimèdes… Certaines ne sont pas à proprement parler persistantes mais ont la particularité de présenter un feuillage neuf en automne qui se maintient tout l’hiver jusqu’à l’été suivant: gouet d’Italie, cyclamens (coum et de Naples), muscari d’Arménie, ail cilié.

Le choix ne manque donc pas pour structurer le jardin et couvrir le sol en toute saison. Et pour un gazon bien vert même au cœur de l’hiver, pensez à le tondre une dernière fois fin octobre. On y verra d’autant mieux les crocus au printemps!

 

Julie Bingen (janvier 2023)

Partager sur :Email

Soutenez Natagora

Vous aimez la nature ? Aidez-la !

Participez avec Natagora à la préservation de l’environnement en Wallonie et à Bruxelles. Apportez votre voix à la nature en devenant membre de Natagora et soutenez activement nos actions en rejoignant notre groupe de volontaires.
 

JE DEVIENS MEMBREJE VOUS REJOINS

Faire un don

Vos dons rendent possibles toutes les actions de notre groupe de volontaires en faveur de la biodiversité. Déductibilité fiscale à partir de 40 € de dons par an.

JE PARTICIPE