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Changement d'affectation du sol à l'Hippodrome d'Uccle-Boitsfort: la forêt encore une fois mise sous pression

Octobre 2019

La sauvegarde de la Forêt de Soignes est un des dossiers prioritaires pour Natagora Bruxelles. Il y a actuellement sur les pourtours de la Forêt de Soignes pas moins de 7 nouveaux projets, à l’étude ou en voie de réalisation. Ces projets totalisent plus de 500 appartements et 700 places de parking. La réalisation de tous ces projets aura des incidences cumulatives sur l’environnement des zones protégées Natura 2000 proches et sur la lisière de la Forêt de Soignes. Sans mentionner le renforcement de problèmes environnementaux connexes tels que la dégradation de la qualité de l’air, le bruit, les déchets, etc.

La régionale de Bruxelles s’associe régulièrement  aux riverains pour les soutenir dans les démarches qu’ils entreprennent vis-à-vis des communes et autres autorités compétentes, pour réfléchir à ces aménagements tout en prenant en compte la biodiversité des alentours. C'est encore une fois le cas ici, dans le cadre de la modification de l'affectation d'une petite zone forestière au niveau de l'Hippodrome d'Uccle-Boitsfort.

Une modification du PRAS à l'agenda

Le 4 juillet 2019, un arrêté du gouvernement bruxellois est paru au Moniteur Belge lançant la procédure de modification du "Plan régional d’affectation du sol" (PRAS) pour transformer une partie d’une zone forestière en une zone d’équipements d’intérêt collectif ou de service public (pouvant donc être affectée en parking) en bordure de l’Hippodrome d’Uccle-Boitsfort. Cet arrêté en a surpris plus d’un à la régionale.

Le PRAS est un outil réglementaire qui détermine les affectations du sol. L’élément central en est une carte qui définit zone par zone ce que l’on peut ou non faire au niveau du territoire. On y retrouve les zones vertes avec, entre autres, les zones forestières. D’autres zones visent par exemple le logement, les bureaux ou les équipements collectifs. La zone concernée par la modification au PRAS est reprise en rouge sur la carte ci-contre.

Un changement dans quel contexte?

Petit rappel pour les distraits (ou les extraterrestres): le dossier en question est celui de la réhabilitation de l’Hippodrome d’Uccle-Boitsfort en un grand pôle de loisirs, le Droh!me Melting Park en bordure de Forêt de Soignes. Il s’agit d’un partenariat public-privé, soutenu par la Région bruxelloise et des financements européens, rendu opérationnel par la société Drohme Invest. Si Natagora Bruxelles ne rejette pas le concept en soi, la régionale est par contre bien plus mitigée sur sa concrétisation (aménagement du site, activités proposées, gestion du parc).

Plusieurs enquêtes publiques se sont succédées dans ce dossier, rendant la situation opaque pour les citoyens, voire même pour les administrations octroyant les permis. Elles-mêmes ont parfois du mal à percevoir ce qui est effectif aujourd’hui sur le terrain. Sans parler des infractions à ces mêmes permis.

A chacune de ces demandes et procédures, les citoyens et collectifs passent des soirées, parfois même des nuits à lire des dossiers d’enquêtes publiques, à envoyer des courriers, à participer à des commissions de concertation ou encore à solliciter les autorités publiques pour obtenir des réponses. Car une des spécificités du dossier Drohme est son "saucissonnage". En effet, Drohme a demandé un permis général qui définissait les grandes lignes du projet, tout en ménageant toute une série de "poches d’activités" introduisant, le cas échéant, des demandes de permis ultérieurs. Et c’est ce qui se passe, puisque les demandes de permis arrivent au compte-gouttes. A cela il faut ajouter une longue liste de permis temporaires.

L’action des citoyens et des collectifs

Plusieurs citoyens et collectifs, dont Natagora, ont donc décidé d’entamer des recours par rapport à ces permis.

Le 23 janvier 2019, petite victoire pour les riverains et les défenseurs de la nature: le Conseil d’État suspendait, en extrême urgence, le permis d’urbanisme qui avait été octroyé pour l’aménagement du parc de loisirs, estimant notamment qu’un parking n’était pas compatible avec l’affectation en zone forestière inscrite au PRAS (Arrêt n°243.466 du 23 janvier 2019).

D’autres procédures sont toujours en cours en attente des décisions du Conseil d’État (voir dernières nouvelles, ci-après).

Malgré cette suspension, les gestionnaires du site ont reçu plusieurs permis temporaires, ce qui leur a permis d'organiser leurs activités sans prendre en compte les enjeux que nous soulevions.

Des infractions continuent d’être constatées sur le site par les autorités compétentes (la police, l’inspection de Bruxelles-Environnement, etc.) et de nombreuses modifications du permis d’environnement ont déjà été demandées.

C’est dans ce contexte tendu qu’est paru au Moniteur belge, la demande du gouvernement de modifier le PRAS de zone forestière en zone d’équipements au niveau du parking. Pour faire cela, le gouvernement invoque l’intérêt général et l’utilité publique.

Natagora Bruxelles se pose de nombreuses questions suite à cette démarche. Est-ce qu’elle s’inscrit réellement dans l’intérêt général? Est-ce qu’elle ne s’inscrit pas plutôt dans l’intérêt des investisseurs de Drohme? Est-ce que cette modification ne risque pas de devenir un précédent risqué? Qu’est-ce qui empêchera par la suite le gouvernement de dépecer progressivement la Forêt de Soignes au profit de ses ambitions diverses ou de celles des promoteurs immobiliers? Ne doit-on pas s'inquiéter de la présence de ce fameux parking juste au-dessus d'une zone de captage d'eau potable au vu des risques de pollution?

Le dossier est vaste et à l’image de la lasagne administrative bruxelloise. Néanmoins, cet arrêté du gouvernement bruxellois apparaît comme un déni de démocratie. C’est aussi une manière de montrer que le gouvernement bruxellois ne respecte ni les demandes de ses citoyens, ni le Conseil d’État. Sa vision de l’intérêt général nous questionne.

Quelles sont les revendications de Natagora Bruxelles pour le site de l’Hippodrome d’Uccle-Boitsfort?

Notre association de protection de la biodiversité est active depuis 2015 sur le dossier aux côtés d'autres associations (les Amis de la Forêt de Soignes, l’Association de Comités de Quartier Ucclois - ACQU, etc.) et des riverains. Nous avons ensemble formé un collectif.

Ce collectif se mobilise non pas contre toute installation sur le site, mais au contraire, pour un projet à dimension humaine et familiale, qui propose des activités sportives, culturelles et environnementales. Nous estimons que le projet actuel ne va pas dans ce sens.

Lors des consultations publiques, nous avions d’ailleurs spécifié les éléments qui permettraient un projet plus en phase avec la biodiversité du site et ses ambitions familiales :

  • Des horaires d'exploitation du site limités pour la période diurne de 8h00 à 20h00 en hiver (21h00 en été), avec quelques exceptions limitativement définies en ce qui concerne les activités "indoor": restaurant ouvert jusque 23h00, activités de faible ampleur à l'intérieur des bâtiments existants jusque 23h00 (interdisant de fait toute activité de type bar, boîte de nuit...)
  • Pas de déboisement du site
  • Pas de diffusion de tout son amplifié en plein air dans l'ensemble du site et normes sonores très strictes pour la diffusion de son à l'intérieur des bâtiments existants
  • Pas d'utilisation de toute source lumineuse extérieure, à l'exception d’un éclairage nocturne minimal pour permettre l'accès aux bâtiments existants
  • Pas de promotion immobilière sur le site (construction d'immeubles résidentiels, hôteliers ou bureaux)
  • Pas de nuitée sur le site (pas d'activités de type hôtelier et/ou assimilés, comme de la location de cabanes ou d'emplacements de camping)
  • Pas d'utilisation et/ou de développement de voies d'accès et parkings dans les zones ou à proximité des zones forestières (sont visées entre autre les drèves de l'Hippodrome et du Renard, et le parking forestier de la drève des Tumuli)

Ce sont là quelques exemples des pratiques qui sont plus en phase avec la protection de la biodiversité. Les mesures que nous préconisons visent notamment la protection des chauves-souris, espèces protégées par Natura 2000.

Dernières nouvelles

  • 27 septembre 2019: la Commission Régionale de Développement (CRD) a émis un avis négatif sur ce dossier. Vous pouvez consulter l'avis dans son intégralité sur le site de la CRD. 
  • 4 octobre 2019: le Conseil d’État a annulé le permis d'urbanisme accordé à la société VO Group pour son projet de réaménagement de l'Hippodrome de Boitsfort en centre récréatif. Il estime dans son arrêt n° 245.641 que la mise en place d’un parking pour véhicules automobiles, destiné pour des périodes de longue durée - voire principalement - aux visiteurs du "parc de loisirs", n'est pas compatible avec l'affectation en zone forestière inscrite au Plan régional d'affectation du sol.
  • 18 octobre 2019: La Région bruxelloise a accordé un nouveau permis d'urbanisme, basé sur le parking historique (places de parking un peu moins nombreuses).
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