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Quand les citoyens se mobilisent pour la forêt ... de Bruxelles!

Octobre 2017

Certains d’entre vous ont peut-être récemment entendu parler des forêts polonaises menacées, nous allons vous parler ici d’une forêt bien plus proche : la Forêt de Soignes. A peine classé au patrimoine mondial de l’Unesco, notre plus grand espace naturel bruxellois fait l’objet d’une demande de permis pour la construction d’un parc de divertissement sur le site de l’ancien Hippodrome de Boitsfort-Uccle.

L'Hippodrome de Boitsfort-Uccle est une zone verte de 32 hectares enclavée en Forêt de Soignes.

Le site est localisé en zone forestière, en zone de sports et loisirs de plein air et en zone d’équipement d’intérêt collectif au Plan Régional d'Affectation du Sol (PRAS). Il est entièrement repris comme zone d'intérêt culturel, historique, esthétique ou d'embellissement (« ZICHEE ») dans ce même PRAS. Le site est aussi intégré à la Zone Spéciale de Conservation n°1 du réseau Natura 2000 bruxellois. Et enfin, l’ensemble de la Forêt de Soignes est un site classé depuis 1959. On aurait pu penser qu’avec un tel millefeuille de statuts de protection, cette zone ne devrait pas faire l’objet de la pression immobilière bruxelloise… Et bien non.

A côté de la restauration à l'identique des bâtiments emblématiques existants, ce dont nous nous réjouissons, un groupe d’investisseurs développe actuellement sur le site un vaste projet privé, bénéficiant d'importants subsides publics.

Le projet d’aménagement était soumis à enquête publique au début du mois de septembre 2017. Tous ceux qui le souhaitaient ont pu prendre connaissance de l’aménagement proposé et donner son avis. Ce que Natagora Bruxelles a bien entendu fait.

Qu’est-ce que Natagora questionne dans le projet?

1. L’aménagement paysager manque de concret

La demande de permis souffre d’un manque de clarté sur la manière dont la lisière entre la forêt et le parc de loisirs sera développée au sein du projet. L’étude d’incidences a également relevé ce point. Les lisières, zones de transition entre milieu fermé et milieu ouvert, apportent refuge, nourriture et lieux de rencontre en période de reproduction à de multiples espèces. Cette lisière, pour garder sa pertinence et son rôle de « tampon » entre le milieu ouvert et la forêt, ne doit pas faire l’objet de perturbations.

2. Certaines « poches » ont été exclues de la demande de permis

Le dossier en l’état ne permet pas d’avoir une vision globale de ce qui va se faire sur le site et de mesurer réellement les incidences globales et cumulatives. En effet, certaines « poches » ont été exclues de la demande de permis. Celles-ci sont soit constituées d’aménagements existants comme le golf (alors qu’il couvre une partie importante du site) soit d’aménagement encore à développer comme une plaine de jeux régionale, un espace dédié à l’accrobranche, un espace « bien-être » (dojo) et un belvédère des cimes. Il n’est pas concevable d’octroyer un permis, en particulier dans une zone Natura 2000, sans en mesurer au maximum les incidences.

3. L’environnement sonore et les installations lumineuses posent question

L’appel d’offre de la concession pour l’hippodrome stipulait notamment que le projet présenté devait être conçu de manière à s’intégrer harmonieusement au site et à ses abords immédiats. Les activités entrainant des nuisances sonores, visuelles et olfactives incompatibles avec la philosophie des objectifs régionaux de destination des lieux et de ses abords n’étaient pas admises sur le site.

Pourtant, le projet actuel ouvre la porte à des évènements de masse (jusqu’à 4500 personnes, maximum 4 fois par an), des évènements d'entreprise, des mariages, des fêtes, des spectacles, une patinoire, des terrains de sport et de jeu, des défilés de mode, des activités tous publics en journée et en soirée, des clubs en plein air, au moins 3 restaurants, 519 places de parking, etc.

Nous sommes inquiets par cette avalanche d’activités. Comment la faune et la flore du site pourraient-elles survivre si elles sont soumises à de telles nuisances sonores et lumineuses, ainsi qu’à des risques accrus de pollution et de dégradations diverses (piétinement, vandalisme, etc.) ? Le plan évènementiel proposé est incompatible avec le statut même de la Forêt de Soignes. Il dépasse largement les objectifs de « porte de la forêt » décrits par le schéma de structure de la Forêt de Soignes. Il est aussi incompatible avec l’identification du site comme zone forestière au PRAS et avec l’appel d’offre susmentionné. Et enfin, une telle surexploitation du site est incompatible avec les objectifs de conservation de la zone Natura 2000 dans laquelle s'implante le projet.

4. Un parking est prévu en zone forestière et sur une zone de captage

Un parking de plus de 500 places est prévu pour accueillir les visiteurs du site. Il sera implanté à l’endroit d’un parking qui existe déjà (et qui est plus petit à l’heure actuelle), en zone forestière et à proximité immédiate d’une zone de captage.

Installer un parking au-dessus d’une zone de captage nous questionne. Les responsables de la demande de permis se sont engagés à poser une membrane pour imperméabiliser ce parking et éviter ainsi la pollution du sol et du captage. Cependant, la pose de ce revêtement va bouleverser l’équilibre de la zone concernée : l’imperméabilisation du sol et l’acheminement des eaux pluviales dans un collecteur modifieront le régime hydrique du terrain, ce qui est interdit par la législation en vigueur en zone Natura 2000 et en zone de captage d’eau  .

Afin de préserver la qualité de l’eau et l’intégrité de la zone Natura 2000, nous considérons que cette demande de parking doit être intégralement refusée, surtout si la volonté est d’inciter les utilisateurs de la Forêt de Soignes à utiliser d’autres moyens de transport que la voiture . Ce parking n’est pas une affectation qui contribue à la fonction écologique, économique et sociale de la forêt. Que restera-t-il des zones forestières protégées de Bruxelles si l’on autorise de telles constructions ?

De plus, les termes de l’appel d’offre de la concession précisent que le parking ne peut être déplacé ni agrandi.

Pour conclure ce point, nous nous réjouissons qu’une étude d’incidences ait eu lieu sur ce site et qu’elle ait pu identifier les nombreuses menaces qui pèsent sur la zone de captage. Nous espérons que, suite aux constats posés, un processus de dépollution du sol sur cette zone et une protection spéciale sera mise en place concrètement, dans le respect des législations (Natura 2000 notamment) et respectant les prescriptions du Plan Nature et le Plan de gestion de l’eau.

5. Des filets et des obstacles installés en nombre sur le site

Dans le cadre du golf, un permis avait été demandé pour la mise en place de filets de sécurisation. Le projet de réaménagement du site entraine de nouvelles demandes d’installation de filets, tant pour le golf que pour les nouvelles installations (terrains de sport notamment). Ces filets auront un impact paysager non négligeable.

Nous demandons une approche globale sur l’ensemble du terrain pour caractériser de manière précise les impacts des filets sur le paysage et la biodiversité (p.ex. effets de barrière sur les animaux en vol et au sol). Le placement d’un filet est une chose mais vu la démultiplication de ceux-ci, il nous semble nécessaire d’approfondir les études d’incidence sur le site Natura 2000 avant de pouvoir accorder un permis sur cette question.

6. Une Maison de la Forêt sera construite au détriment de la forêt

Le projet prévoit d’implanter « une Maison de la Forêt » sur le site. Elle agira comme pôle d’accueil et d’information du public sur la Forêt de Soignes. Si nous applaudissons l’idée de sensibiliser à la protection de l’environnement, nous sommes opposés à la construction d’un nouveau bâtiment, comme c’est proposé actuellement. Il s’agit d’une une construction en zone forestière et Natura 2000.

Nous sommes étonnés que cette Maison de la Forêt ne puisse pas faire partie du bâti existant et qu’une construction supplémentaire doit être prévue.

En conclusion

Si Natagora Bruxelles accueille positivement l’idée d’une « porte d’entrée » tous publics sur la forêt, il faut toutefois préserver cette dernière de projets démesurés et viser à des aménagements compatibles avec le statut Natura 2000 du lieu.

La Forêt de Soignes est la plus grande zone Natura 2000 de la Région de Bruxelles-Capitale. Natura 2000 est, sur Bruxelles, l’un des plus grands remparts contre l’urbanisation croissante et le grignotage incessant de zones vertes. Qu’en restera-t-il si ce parc de loisirs est autorisé ?

Quelle vision de la ville future les pouvoirs politiques ont-ils pour ne pas s’inquiéter de l’impact que pourrait avoir un tel programme événementiel sur le peu de nature et de vie sauvage qui reste à Bruxelles ?

Nous avons décrit ici qu’un petit nombre de nos inquiétudes. Nous prendrons le temps de les expliquer plus longuement lors de la commission de concertation le 13 octobre… Comme les milliers d’autres bruxellois qui ont participé à cette enquête publique, nous espérons être entendus. N’hésitez pas à suivre la suite sur la page Facebook et le site internet de Natagora Bruxelles pour connaitre la suite donnée à ce projet.

Amandine Tiberghien

Natagora Bruxelles

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