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Le futur règlement régional d’urbanisme est-il favorable à la protection des arbres?

Une réforme longuement attendue

Qu’est-ce que le règlement régional d’urbanisme ou RRU? Derrière cette appellation se cache l’ensemble des règles urbanistiques qui régissent la construction des bâtiments et de leurs abords, l’aménagement des voiries, des places et de leurs accès, etc. Ces règles concernent aussi les chantiers de construction.

Le règlement régional d’urbanisme actuel est entré en vigueur en janvier 2007, c’est-à-dire il y a plus de 15 ans. Ce règlement a fait l’objet de nombreuses discussions sous cette législature, le gouvernement ayant l’ambition d'en réaliser une réforme en profondeur, réforme nommée Good Living.

Dans un précédent article, nous avions partagé notre analyse de cette réforme bien nécessaire et de notre position sur les avancées en cours. Les défis environnementaux étaient nettement moins présents dans les esprits en 2007 et il était temps d’y accorder un peu plus d’attention.

La secrétaire d’État bruxelloise en charge de l’Urbanisme Ans Persoons (Vooruit.brussels) a repris le dossier en succédant à Pascal Smet en juin 2023. Assez rapidement, dès le début de la reprise du mandat, elle a exprimé sa volonté de faire passer cette réforme sous cette législature. Elle souhaite clôturer le processus d’ici juin 2024.

La deuxième lecture a donc été présentée en mars au Parlement bruxellois. Mais l’adoption de la réforme se fera sans l’avis du Conseil d’État, qui a retiré le dossier de son agenda, ayant trop de travail. Le Conseil d’État aurait notamment dû statuer sur la nécessité ou non de réaliser une nouvelle enquête publique.

En d’autres mots, non seulement cette réforme pose question quant à son contenu, mais aujourd’hui elle pose aussi des questions sur la forme et sur le respect de l’état de droit.

Good Living est-il à la hauteur de ses ambitions?

Force est de constater que Good Living a bien des ambitions écologiques. Malheureusement, au regard du contenu du document, cela pourrait se limiter à des ambitions sans pour autant poser le cadre et les limites nécessaires pour une mise en œuvre concrète.

L’objet n’est pas ici de faire une analyse de la dernière version publique au moment de la parution de cet article, mais de vous partager quelques réflexions et inquiétudes plus spécifiques concernant les arbres et ce potentiel changement législatif.

Pour rappel, les arbres sont déjà aux croisements de plusieurs législations: le Code civil, les arbres remarquables avec les protections patrimoniales, l’Ordonnance Nature pour le rôle qu’ils jouent par rapport à la biodiversité, des arrêtés divers… Toutefois, le règlement d’urbanisme actuel jouait un certain rôle dans la protection de ceux-ci. Pour en savoir plus sur cette question, n’hésitez pas à consulter la fiche de réaction locale rédigée par Natagora sur le sujet: Fiche 1 Bruxelles - La protection des arbres.

 

La protection des arbres lors de la phase chantier n’est plus garantie

La protection des arbres durant les périodes de chantier avait été intégrée au règlement régional d'urbanisme dans sa version de 2007 (Titre 3 Chantiers, Article 6), modifiée en 2013.

Article 6 — Protection des arbres et haies en intérieur d’îlot

Tout au long de la durée du chantier:
1° le stockage des matériaux, les manœuvres avec des véhicules ou engins de chantier, l’emplacement de baraquements se font en dehors du réseau racinaire des arbres et des haies;

2° les racines, les troncs et les couronnes d’arbres et de haies situés dans le périmètre du chantier ou à proximité de celui-ci sont protégés au moyen de dispositifs adéquats. La protection des arbres, de leur tronc et de leurs racines ainsi que celle des haies s’étend sur une hauteur, une surface et une profondeur suffisantes et une fonction de leur nature et de leur taille.

Toutes ces dispositions ont été remplacées par un arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 4 avril 2019 exécutant l’ordonnance du 3 mai 2018 relative aux chantiers en voirie publique… qui n’intègre plus la protection des arbres pendant les phases de chantier.

Good Living ne rectifie pas cette régression, car ces dispositions relatives aux chantiers ne font aucune référence à la protection des arbres.

La plupart des contraintes de plantation pour les arbres à haute tige ont disparu

Le RRU est un texte juridique. À l’inverse d’un document d’orientation, il édicte des règles précises et contraignantes pour quiconque développe un projet urbanistique à Bruxelles. On ne peut a priori pas y déroger, ou exceptionnellement sous réserve de motivations explicitées, analyser dans le cadre d’une procédure d’enquête publique.

De manière générale, le projet de texte Good Living se dit réglementaire, mais énonce bon nombre de règles peu précises, ce qui laisse place à l’appréciation subjective des autorités chargées de l’application.

Dans le RRU actuel, des protections concrètes entourent les arbres à haute tige (Titre 7: voirie, ses accès et ses abords - Section 7) en termes de

  • distance de façade (Article 16).
  • fosses de plantation (Article 17)
  • protection des pieds d’arbres (Article 18)

Les dispositions relatives aux distances de façade (Article 16) et à la protection des pieds d’arbre (Article 18) ont tout simplement disparu dans Good Living.

Les dispositions du RRU actuel pour les fosses de plantation (Article 17) ne sont pas très ambitieuses mais elles ont le mérite de proposer un volume minimal à respecter.

Dans Good Living, ces dispositions sont intégrées aux explications de l’Article 17 "Végétalisation et fraîcheur".  Malgré le chiffrage apporté, personne n’est à même de nous répondre sur la portée exacte de cette partie dans des règles de droit.

E: Les conditions de plantation sont à évaluer notamment selon l’essence de l’arbre, l’exposition, la disponibilité en eau notamment au travers de dispositifs de gestion intégrée des eaux de pluie, le volume aérien disponible pour la couronne, la nature du sol et l'espace d'enracinement disponible. Le volume souterrain nécessaire à l’arbre est proportionnel et augmente lors de croissance jusqu’à sa grandeur adulte et est lié à sa durée de vie utile minimale. A titre d’exemple, chaque arbre devrait bénéficier à sa plantation d’un volume de terre minimum de 3,5 m³ et d’une zone perméable et non entravée à son pied de minimum 2,25 m² susceptibles d’être agrandis.

Plus globalement, dans le RRU actuel, les dispositions chiffrées avec des limites claires font reposer la responsabilité d’identifier les problèmes, le non-respect à ces dispositions attirant l’attention des fonctionnaires sur la question. Dans Good Living, quels seront les impacts du dossier de demande de permis et de l’identification des dangers ou points d’attention?

Good Living reconnait l’importance des espaces ouverts

Tout n’est pas à jeter dans  Good Living. Des avancées positives concernent différents articles du titre I sur l’espace ouvert. Deux articles en particulier méritent notre attention: l’Article 3 sur la notion de "continuité" (la recherche de connexion des espaces ouverts) et l’Article 17 sur la "végétalisation et fraicheur" de l’espace ouvert public.

L’Article 3 – Continuité s’énonce ainsi:

“La connexion des espaces ouverts, qu’ils soient publics et/ou privés, est recherchée:
1° hors-sol, par la continuité:
     a. végétale et paysagère;
     b. des dégagements visuels et perspectives;
     c. des cheminements des modes de déplacement actifs accessibles au public;
2° en sous-sol, par la continuité de la pleine terre”

Le fait que l'un des outils pour garantir la protection d'un réseau écologique, et donc la résilience des villes, ait été intégré via la notion de continuité est très positif, même si aucune disposition chiffrée n'accompagne le texte.

L’Article 17 – Végétalisation et fraîcheur comporte 4 paragraphes, dont le deuxième est spécifiquement dédié aux arbres à haute tige:

“§ 1er. En voirie publique, la surface de pleine terre végétalisée est maximisée. Lors d’un nouvel aménagement de façade à façade elle représente au moins:
1° 5% de la superficie de la rue, y compris les carrefours y afférents, si elle a une largeur inférieure à 10 m;
2° 10% de la superficie de la rue, y compris les carrefours afférents si elle a une largeur comprise entre 10 et 18 m;

3° 15% de la superficie de la rue, y compris les carrefours y afférents si elle a une largeur égale ou supérieure à 18 m ;
4° 15% de la superficie de la voirie qui n’est pas visée aux 1° à 3° C. Toutefois, lorsqu’il existe une infrastructure souterraine sous la voirie, les superficies visées à l’alinéa 2 qui se situent sur ces infrastructures, bénéficient au moins d’un substrat végétalisé d’une épaisseur minimale de 1,20 m. La superficie globale minimale à atteindre se comptabilise sur base du périmètre de l’aménagement et peut être répartie au sein celui-ci selon le contexte et les besoins.
§2. L’espace ouvert public comporte la présence d’arbres à haute tige permettant l’ombrage. Les strates végétales et zones de pleine terre existantes sont autant que possible préservées et valorisées. Les alignements d’arbres sont autant que possible maintenus et renforcés. Chaque abattage fait l’objet d’une compensation par la plantation, à proximité,d’au moins un arbre au développement approprié. Les strates végétales sont plantées de manière à permettre leur croissance saine et aisée.
§ 3. L’aménagement de l’espace ouvert public intègre autant que possible la présence de l’eau comme élément paysager et contribuant au rafraichissement.
§ 4. L’aménagement de l’espace ouvert public évite la création d’îlots de chaleur, notamment en favorisant l’utilisation des matériaux perméables, présentant une couleur claire, un albédo élevé et une faible capacité d’accumulation de la chaleur.

Good Living précise ainsi que l’espace ouvert public doit comporter la présence d’arbres à haute tige permettant l’ombrage, doit préserver les strates végétales et renforcer les alignements d’arbres. Le texte précise aussi que l’abattage est autorisé pour remplacer les sujets dépérissants ou qui impactent le confort des modes de déplacement actifs (marche, vélo).

Un troisième article aborde spécifiquement la question des arbres: l’Article 32 sur les emplacements de parking. Il spécifie des obligations pour les parkings en surface, avec la plantation d’un arbre de 10 à 15 m toutes les 4 places de parking.

Enfin, l’Article 37 traite de la végétalisation et de la fraicheur dans les espaces ouverts privés. Il impose la plantation de minimum un arbre de 10 à 15 m par 200 m² d’espace ouvert privé dans les projets autres que les "interventions ponctuelles". Il énumère aussi des obligations de compensation en cas d’abattage.

En conclusion, même si quelques avancées sont bien à observer, la réforme Good Living est loin de participer à la protection des arbres. L’énumération d’objectifs généraux assez vagues laisse la porte ouverte à des interprétations divergentes et à des difficultés au moment de la mise en oeuvre.

 

Amandine Tiberghien (avril 2024)

 

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