Le pouvoir de l'ultraviolet
Promenez-vous dans les bois ou les prairies. Observez bien. Retournez les feuilles. Passez les plantes au filet. Battez les branches… Vous trouverez une multitude d’insectes. Mais repassez le soir et allumez une lumière ultraviolette et vous serez étonné par le spectacle. Presque rien de ce que vous aurez vu le jour ne viendra se poser aux abords. Mais pourtant, une foule de bestioles vous rendront visite. Où étaient-elles cachées? C’est la magie de cette méthode. Elle vous permet de percevoir une petite partie immergée de l’iceberg.
Les invités seront surtout des papillons nocturnes, mais aussi quelques autres insectes. Voici en deux heures et demie de séance UV, un échantillon de ce qu’on peut trouver aux abords d’une peupleraie comportant une riche flore accompagnatrice dans le Beverbos, réserve naturelle située à Wemmel, juste à un jet de pierre de Bruxelles.
Je voudrais, d’une part, encourager à développer ce type de recensement sur les sites d’intérêt. Il est probable que les espèces recensées par cette méthode n’aient pas toutes été déterminées sur les sites connus ou n’y aient plus été observées depuis longtemps par les personnes avisées, ce petit article pourra alors rencontrer une motivation suffisante pour que soient peut-être multipliés des inventaires entomologiques plus complets des lieux à haut potentiel, soulignant sans doute encore leur importance.
D’autre part, je voudrais ici emmener le lecteur dans une courte balade dans le concept de la biodiversité en montrant la variation de formes et d’espèces. L’occasion, qui plus est, de promouvoir le Beverbos sera prise, ainsi que celle de lancer un petit débat sur la gestion de la biodiversité dans les zones classées.
Que recèle la peupleraie du Beverbos?
Voici un échantillon de la diversité des espèces au 20 juillet 2014, entre 0h00 et 2h30. Les animaux représentés ci-dessous sont pour la majorité rapetissés.
Relation des espèces avec les essences végétales présentes
Proportions des insectes selon leur dépendance avec les groupes végétaux effectivement présents dans un rayon de 3 mètres autour du point d’attraction: ce graphique concerne 18 espèces de papillons nocturnes consommateurs de plantes vivantes et identifiés avec un degré de certitude suffisant.
- 20,6% des insectes identifiés consomment le saule,
- 58,8% des insectes identifiés dépendent des quatre genres principaux d’arbres présents: saules, peupliers, aulnes et bouleaux.
La conservation de ces essences est donc primordiale pour le maintien de près de 60% des papillons nocturnes identifiés (à cette époque de l’année et avec cette méthode).
Ainsi, dix espèces sur 18 consomment une de ces quatre essences principales. Sur ces dix espèces, sept dépendent totalement de ces quatre essences principales puisque ces espèces de papillons ne consomment (à l’état de chenille) qu’un ou plusieurs de ces quatre genres (saule, peuplier, aulne, bouleau) et rien d’autre.
Conclusion
La gestion d’une prairie, d’une forêt ou de n’importe quelle parcelle devrait se faire avec une connaissance approfondie de sa faune. Plus de 80% de la faune est généralement constituée d’insectes, lesquels sont une base de la chaîne alimentaire.
La gestion des réserves et autres zones naturelles se fait encore trop souvent en ignorant ces paramètres et les impacts éventuels sur cette partie animale. Ce travail ‘interventionniste’ doit être le résultat de nombreuses consultations entre un maximum de spécialistes et être le meilleur compromis pour maximiser le potentiel du terrain.
Encore trop souvent, je constate des gestions catastrophiques pour la faune entomologique. Si l'on néglige même la dimension des consommateurs primaires, premiers maillons de base des consommateurs secondaires et tertiaires, il y a gérance de ‘jardin botanique’ et non plus de réserve naturelle.
Fabian Beck, entomologiste, volontaire de Natabru