Le parking de l'hippodrome d'Uccle-Boitsfort, enjeu de la modification partielle du PRAS
Mai 2022
La saga continue autour du réaménagement de l'ancien hippodrome d'Uccle-Boitsfort. Cette fois-ci, le parking est à nouveau au centre des enjeux. Une enquête publique est actuellement en cours concernant ce projet de modification partielle du Plan Régional d'Aménagement du Sol (PRAS). Cela fait plusieurs années qu'un projet prévoit de modifier l'affectation de la zone de parking: elle passerait d'une zone forestière à une zone d'équipement d’intérêt collectif ou de service public. Natagora s'était déjà positionnée à ce sujet en octobre 2019. Cet article-ci est consacré à un argumentaire pour que cette modification ne soit pas effectuée.
L’utilité d’un parking…d'intérêt collectif?
La Région de Bruxelles-Capitale a la volonté de changer l’affectation d’une zone forestière pour permettre un parking, jugé nécessaire au bon fonctionnement des activités prévues dans le cadre de la réhabilitation de l’ancien hippodrome d’Uccle-Boitsfort.
Elle change donc une zone forestière en zone d'intérêt collectif et ce qu’elle définit comme l'intérêt collectif est un parking de plus de 300 places…
Il est important de tout d’abord se rappeler que l’affectation forestière permet déjà le déploiement d’un parking, toutefois celui-ci doit être accessoire à l’affectation forestière. C’est d’ailleurs ce qui permet déjà l'existence de plusieurs parkings de petites tailles sur les pourtours de la Forêt de Soignes.
Qu’est-ce qui explique donc l'intérêt d’un parking de 350 à 450 emplacements (voire 535) sur le site de l'hippodrome d'Uccle-Boitsfort?
La demande est d’installer un parking de 535 places et l’analyse des incidences environnementales conseille d’en réduire le nombre à 350 pour réduire les impacts. Il s’agit bien de réduire et non de supprimer les impacts.
L’installation d’un parking dans cette zone se justifie en grande partie par les activités récréatives et festives, ce qui est hors cadre d’une porte d’entrée de la forêt. Dès lors, se pose la question de l'intérêt collectif…
Une exigence des autres plans et programmes de la Région de Bruxelles-Capitale?
Le parc de loisirs actifs est la proposition faite par Drohme Invest (anciennement VO Group) dans le cadre de la concession. Celui-ci nécessite un parking de grande envergure, et c’est dans ce cadre-là spécifiquement que cela a été repris dans le Plan de gestion de la Forêt de Soignes.
Le Plan de gestion de la Forêt de Soignes ne prévoit pas de parc de loisirs actifs. Par contre, il prévoit bien de faire de l’hippodrome d'Uccle-Boitsfort une porte d'entrée, largement décrite dans le plan de gestion (voir pages 683/843 ou chapitre 2 – mesure de gestion page 184 et suivantes).
Le Plan Régional de Développement Durable prévoit uniquement d’en faire un pôle didactique et récréatif (voir page 63 du PRDD).
En d’autres mots, non seulement un tel parking n’est pas indiqué comme tel dans les plans et programmes de la Région, mais surtout il questionne la définition de l'intérêt collectif. Peut-on considérer un parking d'intérêt collectif, d’autant plus lorsque l'arrêté du gouvernement considère que le parking doit être maintenu voire réaménagé et étendu quel que soit le projet qui sera in fine développé sur le site? (voir page 6 de l'Arrêté ouvrant la procédure de modification partielle du plan régional d’affectation du sol)
Les autorités publiques, à l'initiative de ce projet, n’explicitent à aucun moment en quoi un parking d’une aussi grande envergure répond aux exigences d’une zone d’équipement d’intérêt collectif ou de service public.
A aucun moment ne sont non plus prises en compte les incidences du précédent créé par cette situation sur la forêt et sa conservation, ni le fait que son redéploiement en cette zone relève aussi du domaine de l'intérêt collectif.
Un parking historique?
Selon les postulats présentés dans l’analyse des incidences environnementales, un parking existe depuis très longtemps sur le site à cet endroit.
- Celle-ci ne confirme pas pour autant qu’il s’agit d’un parking de grande envergure et de longue date
- Est-ce parce qu’une situation problématique existe depuis très longtemps, qu’elle doit passer de situation de fait à une situation de droit?
- Les quelques observations de véhicules sur la prairie (à présent recouverte de gravier) sont le fait de stationnements illégaux et se sont intensifiés avec l’arrivée de Drohme.
Quid de l’analyse des alternatives, surtout en matière de mobilité?
La forêt doit en effet rester un lieu accessible au plus grand nombre, toutefois cela ne doit pas se faire au détriment de celle-ci.
Il y aurait pu y avoir une analyse d’alternatives plus poussées en termes de mobilité, dont certaines supprimant, voire limitant le parking très fortement.
La Commission Régionale de Mobilité, dans son avis du 25/04/2022, pointe d’ailleurs du doigt des contradictions en ce sens, en explicitant d’ailleurs que le taux d’occupation du stationnement existant dans un rayon de 10 minutes à pied est rarement proche des 100%… Natagora n’est pas spécialiste des questions de mobilité mais n’hésitez pas à consulter l’avis de la Commission Régionale de Mobilité sur le sujet.
Pas seulement une modification cartographique mais aussi littérale
La modification cartographique est accompagnée d’une modification de la prescription littérale n°8 du PRAS. L’ajout suivant est proposé à la prescription :
“8.5. La partie de la zone d’équipement située à l’ouest de l’avenue de l’Hippodrome à Uccle et bordant le site de l’Hippodrome d’Uccle-Boitsfort est affectée à l’usage de parking à ciel ouvert à destination des usagers de cette zone ainsi que des usagers de la zone de sports ou de loisirs de plein air et de la zone forestière adjacentes, en dérogation à la zone de servitudes au pourtour des bois”
Il n’y a pas d’analyse des incidences environnementales d’une telle prescription et du précédent que celle-ci pourrait créer.
Une compensation qui n’en est pas une
Une compensation planologique est également prévue par l’arrêté, à savoir faire passer la partie du site de l’ancien hippodrome d’Uccle-Boitsfort comprise entre ses deux anneaux, située en zone de sports ou de loisirs de plein air vers une zone forestière.
Le changement d’affectation de cette zone ne la protègera pas vraiment, car elle est située dans le périmètre du projet d'aménagement du site. Elle sera fortement sollicitée au vu des activités prévues et subira une fréquentation importante (tassement du sol, disparition partielle du couvert végétal, dérangement de la faune et de la flore, pollution sonore, déchets, obligation de tailler ou abattre tout arbre présentant un danger pour les usagers du parc, etc.).
Cette zone faisant déjà partie de la zone Natura 2000 et au vu de son identité (peuplement extrêmement vieux avec beaucoup d’arbres-habitats), il aurait dû être impossible de faire autre chose de cet espace qu’un endroit consacré à la nature… En effet, il est du devoir des autorités publiques de poursuivre les objectifs posés dans les réglementations de la protection des espèces.
Des impacts écologiques minimisés
Ce parking de fait (c’est-à-dire en situation irrégulière) se trouve actuellement sur les pourtours de la Forêt de Soignes, sur une ancienne zone de prairies et où une lisière qualitative pourrait être déployée et renforcer les écotones de la forêt. Un écotone est une zone de transition et de contact entre deux écosystèmes voisins, telle que la lisière d'une forêt, une roselière, etc. Les écotones ont une faune et une flore plus riches que chacun des deux écosystèmes qu'ils séparent, et ils repeuplent parfois ceux-ci.
Même si une lisière étagée est prévue dans les mesures d’atténuation, celle-ci est réduite en termes de taille. Comme le spécifie l’étude d’incidences, une lisière qualitative est composée de 3 zones distinctes et de tailles suffisantes, ce qui ne sera pas le cas ici. De plus, il est permis de douter de la qualité de cette lisière lorsque celle-ci est déployée sur les pourtours d’un parking…
Pour finir, rien n’est prévu pour recréer la zone de prairies disparue.
Conclusions
La création d'une nouvelle surface de parking:
- créera un nouveau précédent d'emprise sur le patrimoine "Forêt de Soignes"
- inverse le rôle de la Région qui désirerait favoriser la mobilité douce
- questionne l’exemplarité de la Région sur les enjeux de protection de la Nature et sur les question de mobilité
- est contraire aux vœux de créer une ville plus verte
- créera une nouvelle zone artificialisée
- n'ajoute aucune esthétique au lieu alors qu’il est classé depuis 1959 et que la Région s'était engagée au contraire
- dégrade de manière irréversible le sol déjà fragilisé de la Forêt de Soignes
- ajoutera à la pollution des sols et de l'air
- totalisera un bilan carbone extravagant
- incite et bénéficie au développement d’activités n’ayant aucun rapport avec le concept de porte d’entrée de la Forêt de Soignes
Avis de Natagora
Natagora Bruxelles a remis un avis lors de l'enquête publique qui s'est tenue du 28 mars au 27 mai 2022.
Amandine Tiberghien
Mai 2022