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Un jardin envahi d’invertébrés? Chiche!

Cris d’effroi, mines dégoûtées, pulsions meurtrières… Les réactions que suscitent les invertébrés sont généralement négatives. Alors que nous observons avec tendresse et curiosité les animaux à poils et à plumes et que nous acceptons chez nous poissons et reptiles. Pourtant, on vous a sûrement déjà dit que les petites bêtes ne mangent pas les grosses… mais peu d’entre nous adoptent des phasmes ou des mygales. Alors étudions les petites bêtes d’un peu plus près pour faire sauter nos préjugés.

Une omniprésente diversité

Les "invertébrés" sont, comme leur nom l’indique, les animaux dépourvus de squelette. Ils représentent environ 97% de la biodiversité animale connue: le reste est constitué des poissons, amphibiens, reptiles, oiseaux et mammifères. Une chose est donc certaine: vous êtes condamné.e à les fréquenter au quotidien!

Le terme d’invertébré est en réalité un fourre-tout qui n’a plus de valeur scientifique: en effet, il désigne des espèces aussi variées que les méduses, crevettes, libellules, éponges, poulpes, mygales, coquillages, vers de terre… Beaucoup sont minuscules, mais le calamar colossal mesure jusqu’à 14 mètres!

Évidemment, vous ne risquez pas de croiser tous les groupes d’invertébrés dans votre jardin. Au niveau mondial, le groupe totalisant le plus d’espèces et d’individus est celui des insectes: leur biomasse serait 4 fois supérieure à celle des vertébrés. Logiquement, ce sont eux que vous croiserez le plus souvent chez vous, sous la forme de coléoptères (coccinelles, scarabées, hannetons, carabes, staphylins, charançons, buprestes, chrysomèles, longicornes…) mais aussi de mouches et moustiques (Diptères); abeilles, guêpes et fourmis (Hyménoptères); pucerons, cochenilles, cicadelles et punaises (Hémiptères); libellules et demoiselles (Odonates); sauterelles, criquets et grillons (Orthoptères); ou encore papillons, perce-oreilles, chrysopes, blattes, poissons d’argent...

Pour compléter le tableau de la microfaune du jardin, mentionnons encore les collemboles, les arachnides (araignées, opilions, acariens, pseudoscorpions), les myriapodes ou mille-pattes, les gastéropodes (limaces et escargots), les vers et quelques crustacés (cloportes, daphnies dans les mares). Ça va, vous tenez le coup??

Le règne de la subjectivité

Une grande injustice règne au jardin: parmi la foule d’invertébrés présents, seuls quelques rares chouchous ont droit à la sympathie du grand public. Il s’agit en gros des papillons de jour (mais pas leurs chenilles!), des coccinelles et des abeilles à miel.

Mais pourquoi tant de haine, de peur ou de dégoût?

  • Nous avons du mal à nous identifier aux invertébrés, car ils sont très différents de nous physiquement: ils sont tout petits, avec 0, 6, 8 ou des centaines de pattes et munis d’une carapace, d’ailes et d’antennes, ils pondent des œufs, ils subissent des métamorphoses au cours de leur vie...
  • De plus, ils mangent des trucs bizarres comme du pollen ou des feuilles mortes… mais aussi des crottes et des cadavres, beurk! De fait, nous associons souvent les invertébrés (surtout ceux qui rampent au sol) à la saleté et à la maladie.
  • Ils nous paraissent imprévisibles: nous avons du mal à anticiper leurs mouvements (va-t-il me sauter dessus?), ils ne montrent pas vraiment d’émotions (est-il agressif?), leur taille permet de se cacher partout (aussi dans mes oreilles??) 
  • La méfiance vis-à-vis des araignées est en partie innée: c'est un reliquat de nos origines africaines, continent où le nombre de petites bêtes dangereuses est relativement plus élevé que chez nous.
  • Mais cette méfiance est exacerbée lorsqu’on grandit dans un milieu éloigné de la nature où règne la peur des bestioles. Elle peut alors se transformer en phobie. Cette peur est également entretenue par la fiction (depuis la Bible jusqu’au film Arachnophobia).
  • Et si ces comportements déraisonnables ont la vie dure, c’est parce que nous connaissons généralement très mal les invertébrés. En matière de nature, les programmes d’enseignement sont totalement insuffisants. Donc, si vous êtes une flipette, inscrivez toute la famille à des stages nature et allez visiter le musée Hexapoda.

Une minorité d’embêtants personnages

Les moustiques sont le groupe animal le plus mortel pour les humains dans le monde, en raison des maladies qu’ils transmettent: paludisme, dengue, zika, fièvre jaune, chikungunya, fièvre du Nil occidental, filarioses... Elles touchent principalement les zones tropicales et subtropicales, mais avec le réchauffement climatique, certaines de ces maladies émergent en Europe.

Sachez tout de même que la 2e place du classement des espèces animales mortelles est occupée par l’humain lui-même. Et seule une centaine d’espèces de moustiques sur environ 3500 au total peuvent transmettre des pathogènes (virus ou parasite).

À côté des moustiques, d’autres bestioles pas sympas peuvent effectivement nous mordre ou nous piquer à l’occasion: parfois c’est juste pénible (pou de tête, punaise des lits), dans d’autre cas le risque de maladie est théorique (puce, pou de corps) ou bien réel dans le cas de la tique (maladie de Lyme et encéphalite à tiques). En Belgique, seules 5 ou 6 espèces d'araignées sont assez grosses pour nous mordre, mais leur venin n'est pas dangereux. De plus, si vous n'observez pas 2 petites marques distantes d'un millimètre au maximum, il faudra chercher un autre coupable. Certaines personnes sont toutefois allergiques, en particulier aux piqûres d’Hyménoptères, ce qui peut constituer un danger mortel.

Par ailleurs, plusieurs espèces de vers peuvent nous parasiter, mais leur présence est généralement sans danger et pourrait même avoir un effet bénéfique sur notre système immunitaire. Enfin, certaines petites bêtes se nourrissent de nos plantes cultivées (ouh les vilaines!) mais c’est dans l’ordre des choses.

De l’utilité des invertébrés

Il est important de comprendre que les insectes et autres petites bestioles sont essentiels au fonctionnement des écosystèmes, et même à la survie de l’espèce humaine.

Tout d’abord, les invertébrés constituent un maillon indispensable des réseaux trophiques (ou chaînes alimentaires). Ils servent de nourriture à une foule d’animaux: oiseaux, mammifères (en particulier musaraignes, hérissons et chauves-souris), poissons, reptiles, amphibiens, araignées… et autres insectes. Sans oublier les plantes carnivores! Le déclin actuel des populations d’insectes est donc de bien mauvais augure pour le reste du règne animal.

Comme évoqué plus haut, certains insectes (et/ou leurs larves) ainsi que la totalité des araignées sont carnivores. Ce sont donc vos meilleurs alliés pour réguler les autres petites bêtes du jardin sans recourir aux insecticides. Plus la flore de votre jardin sera diversifiée et indigène, plus vous attirerez d’espèces différentes qui se contrôleront les unes les autres.

D’autres bestioles se nourrissent de matière végétale: elles sont dites phytophages. Certaines espèces prélèvent du nectar ou du pollen et sont indispensables à la reproduction de la plupart des plantes à fleurs (et donc à la production de fruits). Les autres grignotent racines, tiges, feuilles, fleurs et fruits, ou sucent la sève, ce qui plaît beaucoup moins aux jardiniers. Voyez-y la sélection naturelle à l’œuvre: dans la nature, aucune plante n’est indemne et les mieux adaptées survivent. Ce qui explique pourquoi les indigènes résistent bien mieux aux limaces que les horticoles! Si vous voulez des papillons, il faudra de toute façon nourrir leurs chenilles, qui dépendent presque exclusivement… des plantes indigènes locales. Tout est lié!

Enfin, de nombreux invertébrés sont détritivores: fourmis, larves de mouches (asticots), cloportes, vers, certains coléoptères, la majorité des mille-pattes… Ce sont d’indispensables éboueurs-recycleurs qui dégradent la matière morte. Ils remettent ainsi les substances minérales à la disposition des plantes: ils sont les créateurs de l’humus, et votre compost aurait bien triste mine sans eux! Pour l’anecdote, sachez que les insectes sont aussi les alliés de la médecine légale lorsqu’il s’agit de déterminer les circonstances d’un décès (lieu et heure).

Pas encore conquis.e par les petites bêtes?

Même si vous êtes en parfaite santé et dépourvu.e de tout parasite, sachez que votre corps est lui-même le milieu de vie de milliards de bactéries, virus, champignons et même petits acariens (Demodex) vivant dans les pores de votre peau. Et dites-vous que plus le climat est chaud, plus les bestioles sont grosses… Quelle chance vous avez de vivre en Belgique!

 

Pour en savoir plus sur les araignées: https://bruxelles.natagora.be/nature-en-ville/les-araignees
Pour découvrir la faune de nos maisons: https://bruxelles.natagora.be/nature-en-ville/la-faune-/-discrete-de-nos-habitations
Quelques pistes pour gérer les limaces: https://reseaunature.natagora.be/fileadmin/Projet_Reseau_Nature/Fiches_JNat/JNat_limaces.pdf
 

Julie Bingen (avril 2024)

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