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PAD: fausse bonne idée? Limites environnementales d’un projet bancal

Le PAD, pour Plan d’Aménagement Directeur, est un outil d’aménagement du territoire créé en 2018 par la Région bruxelloise. Fortement contestés par des citoyens, comités de quartiers et associations, les projets de PAD en cours soulèvent de nombreuses questions, qu'elles soient d'ordre social, politique ou environnemental. Focus sur une série d'arguments au sujet des impacts écologiques et climatiques de ces projets.

Actuellement, 13 PAD sont envisagés à travers la Région bruxelloise, dont 3 sont en cours de mise en place. Qu’ils portent sur des espaces majoritairement verts ou des zones densément peuplées, ces projets d’aménagement posent question en termes d’enjeux environnementaux.

La biodiversité, le réchauffement climatique ou encore l’accès à des espaces verts de qualité, semblent faire partie des grands oubliés des PAD.

Cet article vise à mettre en avant certaines critiques pour en donner une vision synthétique. Pour plus d’informations sur le fonctionnement de cet outil d’aménagement et le contexte législatif dans lequel il s’insère, une fiche de réaction locale sera bientôt disponible sur le site de Natagora.

PAD et biodiversité en ville

Plusieurs projets de PAD sont prévus sur des espaces aujourd’hui riches en biodiversité, comme la friche Josaphat, le site Mediapark et son bois Georgin, la zone humide de la Gare de l’Ouest, les espaces verts du PAD Défense ou encore la friche de Schaerbeek Formation (PAD en devenir).

Ces espaces, pourtant de plus en plus rares à Bruxelles, voient les écosystèmes qu’ils abritent menacés de perturbations définitives. En effet, si ces milieux sont si riches aujourd’hui, c’est en grande partie grâce au fait qu’il n’ont pas été fréquentés pendant des années, parfois des décennies. Cette quasi-absence d’activité humaine a permis à un très grand nombre d’espèces végétales et animales de se développer en plein milieu de la ville.

Ces équilibres parfois fragiles sont donc fortement menacés par les projets de PAD, qui ne prennent que peu en compte leur valeur biologique en prévoyant une large imperméabilisation et de nombreux aménagements sur ces zones. S’il est prévu en guise de compensation de recréer des espaces verts ou de végétaliser le bâti, ces mesures ne permettraient pas de retrouver la diversité actuelle. De plus, la perturbation d’un écosystème est une porte ouverte aux espèces invasives, qui peuvent engendrer de lourdes pertes tant en termes de biodiversité que de coûts pour l’entretien des espaces verts.

Les impacts des PAD ne sont pas uniquement limités à l’échelle des terrains visés. Ces espaces de grande taille et d’un seul tenant sont des éléments centraux du réseau écologique de la Région bruxelloise, et participent aux trames vertes, bleues, noires et brunes de la Région. En effet, la qualité d’un réseau écologique dépend avant tout de l’ampleur des différents espaces favorables à la biodiversité, ainsi que de leurs interconnexions. Les espaces en question constituent des réservoirs de biodiversité indispensables aux objectifs de maillage vert et bleu affichés par le Gouvernement bruxellois. Les projets de construction sur ces terrains iraient donc dans le sens inverse de ces objectifs, participant au morcellement croissant des zones urbaines de refuge pour la biodiversité.

Les impacts climatiques des PAD

Alors que la Région et les communes bruxelloises se dotent de plans ambitieux de lutte et d’adaptation au changement climatique, les projets de PAD semblent hors de la réalité de ces défis.

L’imperméabilisation des sols, qui plus est dans des zones déjà densément peuplées, participe grandement à l’effet d’îlot de chaleur urbain. Les températures pouvant être supérieures de 2.5°C en ville par rapport aux campagnes alentours, les espaces de verdure jouent un rôle important d’atténuation de ce phénomène. Ils constituent de véritables îlots de fraîcheur tant pour les humains que pour la faune et la flore urbaines. Même si certains PAD intègrent la création d’espaces verts, ces zones mettront des années avant de présenter les mêmes qualités que les milieux existants. Il est également important de mentionner les potentiels effets sur les risques d’inondations dus à l’artificialisation des sols dans des projets d’une ampleur telle que les PAD, les espaces verts servant de zones tampons contre ces aléas.

En outre, de telles constructions n’iront pas sans leur lot d’émissions de gaz à effet de serre, induites tant par les matériaux et équipements de construction que par l’usage des bâtiments ensuite. Une étude réalisée par le collectif The Shifters dénonce un potentiel bilan carbone bien au-delà des objectifs climatiques pour le PAD Mediapark. Des émissions qui pourraient pourtant être largement évitées par des techniques de construction déjà bien connues, et en prenant en compte les milliers de bâtiments vides à Bruxelles dont la réhabilitation serait bien moins impactante. Mais alors que la Région s’est engagée à inclure les objectifs climatiques dans les PAD, aucune mesure de ces émissions n’est à ce jour réalisée par les acteurs en charge des projets, ce qui pose un problème évident pour le suivi de ces objectifs. Une pétition a d'ailleurs récemment abouti pour que la mesure des émissions carbones soit systématiquement réalisée dans les projets de PAD.

Accès aux espaces verts?

L’accès à un espace vert de qualité est un droit que défend Natagora pour tous les citoyens. Que ce soit dans les espaces ouverts ou les zones densément peuplées, les espaces verts prévus par les PAD restent insuffisants sous plusieurs aspects. En termes de qualité tout d’abord: quand certains PAD prévoient de détruire des espaces verts existants et qualitatifs, d’autres prévoient de nouveaux espaces verts d’une qualité toute relative, souvent de petite taille par rapport aux besoins des habitants, incohérents avec la morphologie du quartier ou encore écrasés par des bâtiments d’une grande hauteur. En termes, également, d’équité d’accès à un espace vert: alors que la Région affiche l’objectif que chaque Bruxellois·e ait accès à "un espace vert accessible et accueillant de plus de 1 hectare à moins de 400 m de son habitation et de moins de 1 hectare à moins de 200 m" (voir l’objectif n°1 du Plan Nature), l’opportunité que représentent des projets comme les PAD pour répondre à cet objectif ne semble pas avoir été réellement saisie.

La crise sanitaire nous l’a rappelé, les espaces verts constituent de réels enjeux de santé publique. Ces espaces contribuent à la santé tant mentale que physique des citoyens, en offrant des lieux de détente et d’activité physique, mais également en participation à la qualité de l’air. Notons par ailleurs que cette dernière sera impactée doublement par les projets de PAD, par la destruction d’espaces verts mais aussi par l’augmentation significative du trafic automobile due à certains PAD (notamment les PAD Mediapark, Josaphat et Casernes). De plus, la présence de nature en ville est un facteur important de sensibilisation aux problématiques environnementales, or les PAD projetés dans les espaces de biodiversité auraient pu offrir des opportunités d’accès des citoyens à la nature sauvage.

Une vision court-termiste de l’aménagement du territoire

On retrouve dans de nombreux discours médiatiques une opposition conflictuelle entre logement (social ou non) et défense des espaces de nature. Cela se traduit notamment par des accusations de NIMBY (not in my backyard) envers les habitants des quartiers moins denses, qui refuseraient la construction de logements près de chez eux, alors que les quartiers défavorisés du centre souffrent d’une densité et d’une bétonisation bien plus élevées. Mais comme le rappelle le collectif Bas les PAD, cette opposition ne reflète pas la réalité. Elle fait au contraire appel à une vision court-termiste de l’aménagement de la ville.

En effet, les potentielles perturbations de ces projets de grande ampleur annoncent l’accentuation de phénomènes pourtant dénoncés depuis longtemps, comme la densification à outrance et l’étalement urbain. Une densification non cadrée de la ville participe à la détérioration des conditions de vie des habitants, comme on l’a vu plus haut avec notamment les îlots de chaleur urbains et les questions de santé publique. Cela amène alors les citoyens à revenus moyens à quitter la ville au profit du périurbain, aggravant par là l’étalement urbain. On se retrouve au bout du compte à accentuer la détérioration des habitats de biodiversité à la fois en ville et en campagne. Resteront alors les populations aux revenus limités, subissant en première ligne les effets du réchauffement climatique. Une vision du futur peu enviable tant socialement qu’environnementale, contre laquelle Natagora s’oppose fermement en proposant des solutions pour une densification cadrée du bâti, alliant objectifs urbanistiques et écologiques.

Les PAD soulèvent donc nombre de questions, et il n’a pas été possible ici de tout traiter en profondeur. Si vous souhaitez en savoir plus sur les autres critiques émises au sujet des PAD, vous trouverez ci-dessous une liste des différents acteurs ayant pris position sur le sujet.

L’actualité à venir annonce du nouveau pour les PAD: plusieurs réformes sont à venir dans la législation sur l’aménagement du territoire bruxellois, et les différentes associations, comités de quartiers et collectifs ne manqueront pas de prendre part aux discussions. Le collectif Bas les PAD, qui regroupe la plupart de ces acteurs, va par ailleurs se doter sous peu d’un nouveau manifeste intégrant les questions de nature en ville et d’accès au logement.

Ce que l’on peut conclure de cette question vaste et complexe: le nombre croissant de critiques émises par les citoyens bruxellois traduit le besoin criant d’un réel processus de co-construction de la ville, qui doit se faire avec ses habitants et non à leur insu.

Pour aller plus loin

Voici une liste (non-exhaustive) d’acteurs impliqués dans des prises de position sur les PAD:

Collectifs citoyens / comités de quartier

Associations

Institutions

Hélène Gassmann

Natagora Bruxelles

Avril 2022

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